La formation immersive: accélérateur du développement des gestionnaires et des employés

Par Geneviève Desautels et Marie-Claude Gervais Le 25 juin 2019  

Cet article a été publié originalement sur la Revue RH du CRHA

Le monde du travail se transforme. Il est nécessaire de faire évoluer notre façon d’acquérir des connaissances, des habiletés et des compétences, tant sur les plans technique et intellectuel que sur celui du savoir-être. À l’ère de la communication 4.0, l’expérience est au cœur des activités qui stimulent la rétention et la motivation pour passer de la conscience à l’action. L’avenir de la formation passe par l’expérience en ligne.

Qu’est-ce que la formation immersive?

Il est important de comprendre la distinction entre l’apprentissage en ligne (e-learning) dit « traditionnel » et les produits de formation sous forme de simulations immersives. Alors que l’apprentissage en ligne traditionnel se limite généralement à un webinaire que l’on peut suivre en ligne de façon passive, la simulation immersive incite le participant à prendre part de façon active à sa formation, accélérant ainsi l’intégration des connaissances et compétences.

L’apprentissage immersif, comment ça fonctionne?

L’idée est de plonger l’apprenant dans une situation fictive, composée de personnages réels, semblable à ce qu’il pourrait rencontrer au travail. Il est alors mis face à des problèmes concrets qu’il doit résoudre. Chaque problème n’a pas une solution unique permettant de se tirer d’affaire une fois pour toutes. Au contraire, les solutions choisies par l’apprenant entraînent des conséquences imprévues, de sorte que le film interactif rend compte de la complexité des situations réellement rencontrées par les gestionnaires en milieu de travail.

Comme les situations ne se produisent pas dans la réalité, mais bien dans un espace de formation, l’apprenant aura tendance à prendre plus de risques et pourra ainsi intégrer plus rapidement les apprentissages. Les simulations immersives produisent chez l’apprenant des prises de conscience, des « déclics » et un passage à l’action.

Cette approche permet de considérablement réduire le temps de formation et les coûts afférents tout en rehaussant l’efficacité des apprentissages.

Prenons, par exemple, une formation en classe d’une durée de trois heures offertes à un groupe de 300 employés et gestionnaires dont le salaire moyen est de 72 $/heure. Il en coûte en moyenne 100 000 dollars si, en plus des salaires, on inclut les coûts du formateur et de location de salle.

À ce prix, on ne peut pas mesurer de façon concrète le retour sur le capital investi de ce que les apprenants ont retenu de la formation, et encore moins comment l’employé et le gestionnaire appliqueront les nouvelles compétences lorsqu’ils seront face à la situation.

Une formation immersive en ligne d’une heure, destinée aux mêmes 300 employés et gestionnaires dont le salaire moyen est de 72 $/heure coûte en moyenne 50 000 dollars, soit les salaires pour une heure et les frais d’accès par le biais d’une simple connexion Internet.

En plus de réduire les coûts de formation de moitié et le temps consacré à la formation de deux tiers, l’expérience d’apprentissage est quatre fois plus efficace. La cueillette des données permet de connaître les résultats de l’apprenant, son engagement, sa mobilisation et le temps consacré à sa formation.

La formation immersive permet donc un gain important en efficacité et une économie substantielle en temps et en argent.

L’apprenant au cœur de l’action

Pour qu’une simulation soit immersive, la trame narrative doit avoir comme point de vue celui de l’apprenant, qui doit pouvoir se mettre dans la peau d’un des personnages. Le je permet de se projeter dans le rôle d’un personnage. L’immersion est créée lorsque l’apprenant peut créer des liens avec des situations réelles.

Au fil du parcours, plusieurs sens doivent être sollicités. L’apprenant doit obtenir une rétroaction immédiate qui lui permet de prendre conscience de ses erreurs et de se corriger immédiatement. L’interface doit lui permettre de suivre en direct sa progression grâce à des indicateurs de performance. Il est intéressant de pouvoir obtenir, à la fin de la formation, un rapport de résultats permettant de faire un suivi efficace.

Les formations immersives peuvent être conçues pour rejoindre un vaste bassin d’apprenants sur des sujets et enjeux génériques tels que l’effet de la légalisation du cannabis dans les milieux de travail. Les formations peuvent aussi être conçues sur mesure pour répondre aux besoins spécifiques d’une entreprise et développer des notions complexes en faisant vivre des situations uniques et adaptées aux besoins de l’entreprise.

Les technologies au service de la formation

L’offre en formation immersive peut prendre différentes formes : réalité virtuelle, film interactif où l’apprenant a un pouvoir de décision sur la suite de l’histoire, expérience interactive en vidéo 360 degrés, éléments en réalité augmentée permettant de présenter des contenus dynamiques et captivants.

La réalité virtuelle est une technologie de plus en plus mature qui trouve de nombreux usages dans le monde professionnel. Il s’agit d’un outil puissant qui mobilise les principaux sens, indispensables à la mémorisation : visuel, auditif, kinesthésique, interaction sociale.

À l’aide d’un casque de réalité virtuelle, les apprenants sont en immersion dans un environnement entièrement contrôlé et apprennent à l’aide de vidéos explicatives, de visites virtuelles, de mises en situation et de questionnaires interactifs. Les domaines d’application sont très nombreux : hygiène et sécurité, gestion de crise, chasse aux risques, procédures industrielles, savoir-être (soft skills), etc.

L’analyse prédictive

À travers les expériences d’apprentissage numérique, il est possible pour l’entreprise de recueillir des données sur le comportement des utilisateurs et leurs actions, de compiler les résultats et d’en tirer des statistiques.

Le terme analyse prédictive (ou encore logique prédictive) désigne l’un des usages de l’intelligence artificielle, faisant appel à des technologies qui permettent d’analyser les données et les statistiques pour en extraire des prédictions ou des hypothèses prédictives. Ce terme est de plus en plus employé dans les entreprises et commence même à faire ombrage au terme à la mode, mégadonnées (big data).

Tendance : la microformation

On remarque une forte tendance, en formation continue, à la microformation (microlearning). Flexible et sur mesure, ce type de formation permet d’apprendre librement, de manière fragmentée et n’importe où. Il est possible de créer des expériences d’apprentissage engageantes comprenant des contenus interactifs, des éléments de réalité augmentée, des robots conversationnels (chatbots), etc.

Ces expériences d’apprentissage ont l’avantage de s’inscrire dans la continuité. De nouveaux contenus sont présentés régulièrement, sur une base quotidienne ou hebdomadaire, prenant la forme de jeux-questionnaires, d’expériences collaboratives en temps réel et même de concours entre les apprenants. La microformation peut être un bon moyen de démarrer un programme de formation continue sur mesure au sein d’une entreprise.

Lexique anglais-français :

  • Big data = mégadonnées
  • Chatbot = robot conversationnel
  • E-learning = apprentissage en ligne
  • Gamification = ludification
  • Microlearning = microformation

Les fondements

La stratégie pédagogique des formations immersives prend ses racines au sein de plusieurs théories, concepts et approches, dont :

  • Le constructivisme : processus d’apprentissage actif au sein duquel l’apprenant construit de nouveaux concepts, de nouvelles idées, et intègre ces nouveautés à ses connaissances et expériences préexistantes ;
  • La ludification : utilisation de mécanismes basés sur le jeu, sur l’esthétique et la pensée du jeu, pour engager les gens, motiver l’action, promouvoir l’apprentissage et résoudre des problèmes ;
  • La flexibilité cognitive : la capacité d’un apprenant à restructurer spontanément ses connaissances, de multiples façons, dans des situations radicalement changeantes. Le transfert de connaissances et de compétences au-delà de la situation d’apprentissage initiale est au centre de cette théorie ;
  • L’autoformation : mode d’apprentissage par lequel l’apprenant apprend par lui-même sans l’assistance d’un formateur.

L’apprenant est donc au centre du dispositif de formation et est activement engagé dans la construction de ses apprentissages et le développement de ses compétences.

Personnaliser la formation

Les jours de l’école traditionnelle semblent comptés. Conçue pour une autre époque, la formation uniquement en classe n’est plus adaptée pour transmettre à nos enfants les nouvelles compétences et les savoirs indispensables à leur épanouissement, pour leur permettre de prendre pleinement part au monde complexe et en constante évolution d’aujourd’hui. L’école résiste au changement même si des données probantes en sciences de l’apprentissage et en neurosciences, de même que des initiatives pédagogiques menées avec succès à travers le monde, nous indiquent des voies plus prometteuses (à ce sujet, lire Osons l’école par Ugo Cavenaghi et Isabelle Sénécal).

La formation doit être plus personnalisée et doit pouvoir s’adapter aux différents besoins des apprenants. Terminé le modèle « one size fits all ». L’intelligence artificielle permet maintenant d’offrir de la formation adaptée. Pour répondre à ces besoins, la technologie jouera un rôle complémentaire de plus en plus décisif dans la façon dont les jeunes, les employés et les gestionnaires apprennent, et dans la manière dont les formateurs et les experts les soutiennent.

La simulation immersive, facteur de motivation

Les écoles qui prônent des approches pédagogiques innovantes ont intégré l’apprentissage immersif par les jeux vidéo et les logiciels d’interactivité pour capter l’attention des étudiants.

Plonger l’apprenant dans l’action, retenir son attention, apprendre par essai et erreur, c’est ce que permettent les formations interactives et immersives. De nombreuses études en neurosciences révèlent que l’apprentissage par le jeu et la ludification assurent une meilleure rétention de l’information.

Les jeux sérieux étaient traditionnellement conçus par des entreprises spécialisées dans des domaines comme les simulateurs de vol, les formations pour les entreprises et les jeux éducatifs pour enfants.

Selon une étude de l’université d’Oxford (2013), le milieu du travail étant en complète transformation, la vague numérique et l’intelligence artificielle mettent à risque 47 % des emplois. Selon l’Institute for the Future (2017), 85 % des emplois qui existeront en l’an 2030 n’existent pas encore. Il est donc essentiel de nous tourner vers le futur de l’apprentissage et de transformer nos façons de développer rapidement les compétences génériques et spécifiques des employés et gestionnaires afin de garder le capital de leurs compétences « à jour ».

Source : Revue RH, volume 22, numéro 3, juillet/août/septembre 2019.

Références bibliographiques

  • CAVENAGHI, Ugo et Isabelle Sénécal (2017). Osons l’école. Des idées créatives pour ranimer notre système éducatif. Montréal, Éditions Château d’encre, 144 pages.
  • FREY, Carl Benedikt et Michael Osborne (2013). The Future of Employment. How Susceptible Are Jobs to Computerisation? Oxford, Oxford Martin Programme on Technology and Employment.
  • Institute for the Future (2017). The Next Era of Human-Machine Partnerships. Emerging Technologies’ Impact on Society and Work in 2030.