Mesurer l’efficacité d’une formation en heures, c’est dépassé!

Article paru
dans la Revue Gestion
Par Geneviève Desautels


Le monde du travail et des affaires se transforme à une vitesse exponentielle. Les compétences et les habiletés que doivent posséder les étudiants, les employés et les gestionnaires sont très différentes de celles qui étaient prioritaires et valorisées il y a à peine 10 ans, et elles ne cessent d’évoluer.

On parle aujourd’hui de l’importance de développer trois types d’intelligence : émotionnelle, artificielle et collective, comme le souligne Yves Le Bihan dans un article publié récemment dans le Harvard Business Review France.

Les organisations ont besoin de main-d’œuvre qualifiée rapidement, et comme les outils technologiques, les normes et les marchés changent perpétuellement, elles ne veulent pas investir des sommes importantes dans l’élaboration de formations et de parcours de développement qui, malgré une mise à jour continuelle, seront à refaire dans moins de deux ans.

Nos préjugés collectifs sur la mesure de l’efficacité d’une formation

Dernièrement, j’apprenais qu’une organisation avait ajouté une heure supplémentaire de formation obligatoire afin que ses membres soient plus compétents et vigilants en ce qui concerne les questions d’éthique dans leur pratique professionnelle. La formation sur l’éthique qui durait deux heures s’étend maintenant sur trois heures. Comme si le seul fait d’ajouter une heure de formation allait procurer les résultats attendus !

Cet exemple n’en est qu’un parmi les centaines que je recense dans ma pratique et que j’observe particulièrement au Québec. Nos croyances et, par conséquent, nos méthodes et approches pédagogiques en matière de formation, n’évoluent pas à la même vitesse que le monde du travail. 

Aux États-Unis et en Europe, la plupart des grandes entreprises favorisent depuis quelques années des parcours de formation courte, sur mesure et juste à temps. Leur efficacité se mesure par leur capacité à reproduire des situations de travail courantes, à l’image des simulateurs de vol pour les pilotes d’avion. La technologie est au cœur de ces activités et grâce aux données récoltées en utilisant des plateformes technologiques, les responsables de la formation peuvent démontrer la rentabilité des activités de formation, ce qui leur permet d’obtenir de plus en plus de budgets pour assurer le développement des employés et des gestionnaires.

L’approche pédagogique comme critère pour mesurer l’efficacité d’une formation

Ce qui doit être pris en compte comme critère de mesure de l’efficacité de la formation est l’approche pédagogique utilisée, et non pas le nombre d’heures de l’activité de développement. Cela est contre-productif et freine l’adoption des nouvelles technologies et approches de formation qui, dans certains cas, sont 90 % plus efficaces que la formation traditionnelle en classe sur le même sujet et avec les mêmes objectifs pédagogiques. On n’a qu’à penser à la formation d’une infirmière qui, avec un casque de réalité virtuelle, effectue une intervention sur les lieux d’un accident en temps réel. C’est beaucoup plus efficace qu’une présentation PowerPoint qui décrirait les cinq choses à prioriser à l’arrivée sur les lieux d’un accident, ou encore de travailler avec un mannequin de plastique en dyades.


Illustrons par un premier exemple. Une formation en classe d’une journée sur les habiletés politiques pour laquelle vous payez environ 500 $ par participant, sans compter le salaire, les avantages sociaux et le temps de déplacement. Vous n’obtiendrez aucune donnée objective et en temps réel sur l’efficacité de la formation. Toutefois, en vous fiant à notre système de croyances, vous faites le calcul qu’en une journée, vous aurez appris ce qu’il faut pour mieux être et agir dans l’écosystème organisationnel. De plus, comme vous êtes membre d’une association ou d’un ordre professionnel au Québec, vous serez heureux de pouvoir comptabiliser sept heures de formation continue.


Un deuxième exemple, on vous propose également l’option de suivre une formation de 45 minutes pour développer les mêmes habiletés politiques à un coût de 100 $, mais cette fois, selon une approche pédagogique immersive et interactive qui vous fera vivre des situations comme dans votre quotidien au bureau. Vous devrez ainsi faire preuve d’habiletés politiques en temps réel et vous recevrez de la rétroaction en direct sur comment vous venez d’agir. Cela aura pour effet d’augmenter le taux de réussite du transfert des apprentissages de façon importante. Comme vous viendrez de le vivre, donc vous saurez quoi faire et quoi ne pas faire. Vous serez capable de reproduire les bons comportements avec confiance.

Finalement, cette formation étant complètement offerte en ligne, vous pourrez la suivre à l’endroit et au moment qui vous conviendront. Dès la fin de votre formation, votre employeur et vous aurez accès à toutes les données accumulées durant celle-ci, qui pourront être utilisées pour les besoins d’un suivi. 

Toutefois, vous pourrez inscrire à votre registre seulement 45 minutes de formation continue.

Laquelle des options choisirez-vous ?

Changer les mentalités

Actuellement, on favorise la formation en classe et la formation en ligne traditionnelle pour laquelle on n’a aucune donnée recueillie en temps réel sur ce que les apprenants ont retenu, compris et mis en application durant la formation qui pourrait nous permettre d’orienter les activités de postformation. 

On se plaint des défis du transfert des apprentissages dans l’action et, par conséquent, du faible taux de rentabilité des activités de formation.  

Certaines entreprises ont même choisi de ne plus offrir de formation à leurs employés et à leurs gestionnaires, car elles en sont venues à la conclusion que la formation n’est pas efficace et qu’il s’agit d’une perte de temps et d’argent.

On ne peut pas, comme société, laisser se propager de telles conclusions, alors que les solutions existent, parfois même à 50 % des coûts de la formation traditionnelle.

En tant qu’employé et gestionnaire, vous devez prendre en charge la responsabilité de votre développement professionnel. En tant qu’employeur, vous devez investir dans la formation de vos collaborateurs pour assurer la pérennité et la croissance de votre entreprise. De plus, le développement des compétences est un facteur de fidélisation important.

En définitive, c’est à chacun que revient le choix de prendre les actions nécessaires lorsque vient le temps de s’inscrire à une formation ou de choisir un fournisseur. Je vous invite à privilégier des activités qui soient cohérentes avec vos objectifs d’apprentissage en fonction du temps que vous souhaitez investir pour acquérir des compétences et habiletés qui seront rapidement transférables dans votre quotidien. Vous pouvez également exprimer votre point de vue au sein de votre organisation afin que la principale mesure de l’efficacité de la formation ne se résume plus au nombre d’heures passées à suivre celle-ci.

Source: Revue Gestion

La formation immersive: accélérateur du développement des gestionnaires et des employés

Par Geneviève Desautels et Marie-Claude Gervais Le 25 juin 2019  

Cet article a été publié originalement sur la Revue RH du CRHA

Le monde du travail se transforme. Il est nécessaire de faire évoluer notre façon d’acquérir des connaissances, des habiletés et des compétences, tant sur les plans technique et intellectuel que sur celui du savoir-être. À l’ère de la communication 4.0, l’expérience est au cœur des activités qui stimulent la rétention et la motivation pour passer de la conscience à l’action. L’avenir de la formation passe par l’expérience en ligne.

Qu’est-ce que la formation immersive?

Il est important de comprendre la distinction entre l’apprentissage en ligne (e-learning) dit « traditionnel » et les produits de formation sous forme de simulations immersives. Alors que l’apprentissage en ligne traditionnel se limite généralement à un webinaire que l’on peut suivre en ligne de façon passive, la simulation immersive incite le participant à prendre part de façon active à sa formation, accélérant ainsi l’intégration des connaissances et compétences.

L’apprentissage immersif, comment ça fonctionne?

L’idée est de plonger l’apprenant dans une situation fictive, composée de personnages réels, semblable à ce qu’il pourrait rencontrer au travail. Il est alors mis face à des problèmes concrets qu’il doit résoudre. Chaque problème n’a pas une solution unique permettant de se tirer d’affaire une fois pour toutes. Au contraire, les solutions choisies par l’apprenant entraînent des conséquences imprévues, de sorte que le film interactif rend compte de la complexité des situations réellement rencontrées par les gestionnaires en milieu de travail.

Comme les situations ne se produisent pas dans la réalité, mais bien dans un espace de formation, l’apprenant aura tendance à prendre plus de risques et pourra ainsi intégrer plus rapidement les apprentissages. Les simulations immersives produisent chez l’apprenant des prises de conscience, des « déclics » et un passage à l’action.

Cette approche permet de considérablement réduire le temps de formation et les coûts afférents tout en rehaussant l’efficacité des apprentissages.

Prenons, par exemple, une formation en classe d’une durée de trois heures offertes à un groupe de 300 employés et gestionnaires dont le salaire moyen est de 72 $/heure. Il en coûte en moyenne 100 000 dollars si, en plus des salaires, on inclut les coûts du formateur et de location de salle.

À ce prix, on ne peut pas mesurer de façon concrète le retour sur le capital investi de ce que les apprenants ont retenu de la formation, et encore moins comment l’employé et le gestionnaire appliqueront les nouvelles compétences lorsqu’ils seront face à la situation.

Une formation immersive en ligne d’une heure, destinée aux mêmes 300 employés et gestionnaires dont le salaire moyen est de 72 $/heure coûte en moyenne 50 000 dollars, soit les salaires pour une heure et les frais d’accès par le biais d’une simple connexion Internet.

En plus de réduire les coûts de formation de moitié et le temps consacré à la formation de deux tiers, l’expérience d’apprentissage est quatre fois plus efficace. La cueillette des données permet de connaître les résultats de l’apprenant, son engagement, sa mobilisation et le temps consacré à sa formation.

La formation immersive permet donc un gain important en efficacité et une économie substantielle en temps et en argent.

L’apprenant au cœur de l’action

Pour qu’une simulation soit immersive, la trame narrative doit avoir comme point de vue celui de l’apprenant, qui doit pouvoir se mettre dans la peau d’un des personnages. Le je permet de se projeter dans le rôle d’un personnage. L’immersion est créée lorsque l’apprenant peut créer des liens avec des situations réelles.

Au fil du parcours, plusieurs sens doivent être sollicités. L’apprenant doit obtenir une rétroaction immédiate qui lui permet de prendre conscience de ses erreurs et de se corriger immédiatement. L’interface doit lui permettre de suivre en direct sa progression grâce à des indicateurs de performance. Il est intéressant de pouvoir obtenir, à la fin de la formation, un rapport de résultats permettant de faire un suivi efficace.

Les formations immersives peuvent être conçues pour rejoindre un vaste bassin d’apprenants sur des sujets et enjeux génériques tels que l’effet de la légalisation du cannabis dans les milieux de travail. Les formations peuvent aussi être conçues sur mesure pour répondre aux besoins spécifiques d’une entreprise et développer des notions complexes en faisant vivre des situations uniques et adaptées aux besoins de l’entreprise.

Les technologies au service de la formation

L’offre en formation immersive peut prendre différentes formes : réalité virtuelle, film interactif où l’apprenant a un pouvoir de décision sur la suite de l’histoire, expérience interactive en vidéo 360 degrés, éléments en réalité augmentée permettant de présenter des contenus dynamiques et captivants.

La réalité virtuelle est une technologie de plus en plus mature qui trouve de nombreux usages dans le monde professionnel. Il s’agit d’un outil puissant qui mobilise les principaux sens, indispensables à la mémorisation : visuel, auditif, kinesthésique, interaction sociale.

À l’aide d’un casque de réalité virtuelle, les apprenants sont en immersion dans un environnement entièrement contrôlé et apprennent à l’aide de vidéos explicatives, de visites virtuelles, de mises en situation et de questionnaires interactifs. Les domaines d’application sont très nombreux : hygiène et sécurité, gestion de crise, chasse aux risques, procédures industrielles, savoir-être (soft skills), etc.

L’analyse prédictive

À travers les expériences d’apprentissage numérique, il est possible pour l’entreprise de recueillir des données sur le comportement des utilisateurs et leurs actions, de compiler les résultats et d’en tirer des statistiques.

Le terme analyse prédictive (ou encore logique prédictive) désigne l’un des usages de l’intelligence artificielle, faisant appel à des technologies qui permettent d’analyser les données et les statistiques pour en extraire des prédictions ou des hypothèses prédictives. Ce terme est de plus en plus employé dans les entreprises et commence même à faire ombrage au terme à la mode, mégadonnées (big data).

Tendance : la microformation

On remarque une forte tendance, en formation continue, à la microformation (microlearning). Flexible et sur mesure, ce type de formation permet d’apprendre librement, de manière fragmentée et n’importe où. Il est possible de créer des expériences d’apprentissage engageantes comprenant des contenus interactifs, des éléments de réalité augmentée, des robots conversationnels (chatbots), etc.

Ces expériences d’apprentissage ont l’avantage de s’inscrire dans la continuité. De nouveaux contenus sont présentés régulièrement, sur une base quotidienne ou hebdomadaire, prenant la forme de jeux-questionnaires, d’expériences collaboratives en temps réel et même de concours entre les apprenants. La microformation peut être un bon moyen de démarrer un programme de formation continue sur mesure au sein d’une entreprise.

Lexique anglais-français :

  • Big data = mégadonnées
  • Chatbot = robot conversationnel
  • E-learning = apprentissage en ligne
  • Gamification = ludification
  • Microlearning = microformation

Les fondements

La stratégie pédagogique des formations immersives prend ses racines au sein de plusieurs théories, concepts et approches, dont :

  • Le constructivisme : processus d’apprentissage actif au sein duquel l’apprenant construit de nouveaux concepts, de nouvelles idées, et intègre ces nouveautés à ses connaissances et expériences préexistantes ;
  • La ludification : utilisation de mécanismes basés sur le jeu, sur l’esthétique et la pensée du jeu, pour engager les gens, motiver l’action, promouvoir l’apprentissage et résoudre des problèmes ;
  • La flexibilité cognitive : la capacité d’un apprenant à restructurer spontanément ses connaissances, de multiples façons, dans des situations radicalement changeantes. Le transfert de connaissances et de compétences au-delà de la situation d’apprentissage initiale est au centre de cette théorie ;
  • L’autoformation : mode d’apprentissage par lequel l’apprenant apprend par lui-même sans l’assistance d’un formateur.

L’apprenant est donc au centre du dispositif de formation et est activement engagé dans la construction de ses apprentissages et le développement de ses compétences.

Personnaliser la formation

Les jours de l’école traditionnelle semblent comptés. Conçue pour une autre époque, la formation uniquement en classe n’est plus adaptée pour transmettre à nos enfants les nouvelles compétences et les savoirs indispensables à leur épanouissement, pour leur permettre de prendre pleinement part au monde complexe et en constante évolution d’aujourd’hui. L’école résiste au changement même si des données probantes en sciences de l’apprentissage et en neurosciences, de même que des initiatives pédagogiques menées avec succès à travers le monde, nous indiquent des voies plus prometteuses (à ce sujet, lire Osons l’école par Ugo Cavenaghi et Isabelle Sénécal).

La formation doit être plus personnalisée et doit pouvoir s’adapter aux différents besoins des apprenants. Terminé le modèle « one size fits all ». L’intelligence artificielle permet maintenant d’offrir de la formation adaptée. Pour répondre à ces besoins, la technologie jouera un rôle complémentaire de plus en plus décisif dans la façon dont les jeunes, les employés et les gestionnaires apprennent, et dans la manière dont les formateurs et les experts les soutiennent.

La simulation immersive, facteur de motivation

Les écoles qui prônent des approches pédagogiques innovantes ont intégré l’apprentissage immersif par les jeux vidéo et les logiciels d’interactivité pour capter l’attention des étudiants.

Plonger l’apprenant dans l’action, retenir son attention, apprendre par essai et erreur, c’est ce que permettent les formations interactives et immersives. De nombreuses études en neurosciences révèlent que l’apprentissage par le jeu et la ludification assurent une meilleure rétention de l’information.

Les jeux sérieux étaient traditionnellement conçus par des entreprises spécialisées dans des domaines comme les simulateurs de vol, les formations pour les entreprises et les jeux éducatifs pour enfants.

Selon une étude de l’université d’Oxford (2013), le milieu du travail étant en complète transformation, la vague numérique et l’intelligence artificielle mettent à risque 47 % des emplois. Selon l’Institute for the Future (2017), 85 % des emplois qui existeront en l’an 2030 n’existent pas encore. Il est donc essentiel de nous tourner vers le futur de l’apprentissage et de transformer nos façons de développer rapidement les compétences génériques et spécifiques des employés et gestionnaires afin de garder le capital de leurs compétences « à jour ».

Source : Revue RH, volume 22, numéro 3, juillet/août/septembre 2019.

Références bibliographiques

  • CAVENAGHI, Ugo et Isabelle Sénécal (2017). Osons l’école. Des idées créatives pour ranimer notre système éducatif. Montréal, Éditions Château d’encre, 144 pages.
  • FREY, Carl Benedikt et Michael Osborne (2013). The Future of Employment. How Susceptible Are Jobs to Computerisation? Oxford, Oxford Martin Programme on Technology and Employment.
  • Institute for the Future (2017). The Next Era of Human-Machine Partnerships. Emerging Technologies’ Impact on Society and Work in 2030.

Le futur de l’apprentissage, c’est maintenant!

Par Geneviève Desautels

Cet article a été publié originalement sur Les Affaires

Cela fait belle lurette que je m’intéresse à la question de l’apprentissage immersif et interactif, communément appelé «jeu sérieux » ou «formation immersive».

C’est que, des recherches le montrent depuis des années, les formations par le jeu sérieux permettent de réduire considérablement le temps – donc l’argent – dépensé en formation, tout en rehaussant l’efficacité des apprentissages par un fort engagement des apprenants.

Concrètement, l’idée est de plonger l’apprenant dans une situation fictive semblable à celle qu’il pourrait rencontrer au travail. Il est alors confronté à des problèmes concrets qu’il se doit de résoudre. Mais attention : chaque problème n’a pas qu’une solution permettant de se tirer d’affaire; au contraire, les solutions choisies par l’apprenant entraînent des conséquences imprévues, de sorte que la formation immersive rend compte de la complexité des situations rencontrées sur le terrain.

Tout au long de la formation, les apprenants sont poussés à faire des choix, lesquels orientent la suite des événements. À un peu à la manière d’une histoire «dont vous êtes le héros», les apprenants deviennent des acteurs de la formation plutôt que des spectateurs. En temps réel, les participants voient leurs indicateurs évoluer, ce qui leur permet de mesurer l’impact de leurs choix et d’ainsi ajuster leurs décisions ultérieures en conséquence.

Cette approche permet d’augmenter le sentiment de compétence et la motivation du participant. Flexible et adaptée à la réalité du monde du travail actuel, elle accélère l’apprentissage puisque la formation se déroule dans un contexte simulant un environnement de travail réel.

L’apprenant est alors au centre du dispositif de formation, et est activement engagé dans l’élaboration de ses apprentissages et dans le développement de ses compétences.

Le jeu sérieux se présente souvent sous la forme de courtes capsules. Ces dernières permettent de se frotter à des problèmes fréquemment rencontrés dans le cadre du travail. Mieux, elles invitent à réfléchir de manière structurée sur l’expérience virtuelle vécue, et donc sur leurs différents comportements dans la vie réelle. C’est donc là un bon moyen de faire une évaluation sommative de l’acquisition de concepts utiles dans le quotidien au travail.

Bref, la formation immersive agit ainsi comme un accélérateur d’expérience de travail.

Un gain pour tout le monde

Les plateformes des entreprises de technologies spécialisées dans ce type de formation permettent de récolter de précieuses données :

  • Pour les employés, celles-ci peuvent leur permettre de s’améliorer, après avoir analysé leurs points faibles et leurs points forts.
  • Pour les employeurs, celles-ci permettent d’établir un plan d’action global, après avoir analysé les points faibles et les points forts de leur entreprise.
  • Pour les formateurs et les chercheurs, le big data obtenu grâce à la compilation de l’ensemble des données ainsi récoltées peut leur permettre de faire des avancées en matière de management.

Selon LinkedIn, la croissance des entreprises est positivement corrélée à l’augmentation des investissements dans la formation en ligne. Et tout particulièrement à ceux effectués en lien avec l’acquisition et le développement des «soft skills», à l’image du leadership.

D’où ma joie lorsque j’ai découvert, il y a quelques semaines, que les approches immersives gagnaient en popularité de manière foudroyante lorsqu’il s’agissait de mesurer les compétences et les habiletés. Un exemple : la récente initiative de rendre ainsi plus objectifs et complets les examens d’admission SAT (Scholastic Assessment Test) et ACT (American College Test) auxquels sont soumis les étudiants qui veulent entrer dans les collèges et universités américains.

Une question d’audace

À 27 ans, Rebecca Kantar est une femme au parcours entrepreneurial impressionnant. Elle a comme ambition de révolutionner la façon dont on enseigne, et évalue ainsi les méthodes d’apprentissage à toutes les étapes des parcours scolaires et universitaires. Elle clame que le système d’éducation n’est pas adapté à la réalité du monde du travail et que le jeu sérieux est un pas dans la bonne direction.

Un des nombreux objectifs de Rebecca Kantar est d’améliorer la fiabilité des tests d’entrée pour, entre autres, réduire les possibilités de tricherie – un fléau qui gagne en ampleur, selon un article du Bloomberg Businessweek.

Son approche suscite l’attention. La fondatrice d’Imbellus, une start-up de Los Angeles qui a levé 25 M$ US de financement, vient en effet de recevoir de l’appui de la firme de consultation mondiale McKinsey & Company, laquelle a décidé de faire «jouer» ses consultants à l’échelle de la planète.

Inspirant, n’est-ce pas?

Voilà pourquoi je nous invite à nous laisser inspirer par ce qui se fait de bon et par ce qui transforme le milieu de la formation et du développement des compétences. À regarder du côté de la formation immersive, qui permet à la fois d’enseigner et d’évaluer le savoir-faire, le savoir-être et même savoir faire-faire dans le cas des gestionnaires.

À quand des tests d’embauche pour évaluer à la fois les compétences, les habiletés et l’adéquation des valeurs, non plus par des entrevues, mais par une simulation virtuelle?

À quand des examens d’entrée au sein des ordres professionnels qui sont non seulement dynamiques et branchés sur la réalité du monde du travail, mais aussi à même de mesurer les compétences techniques et les «soft skills»?

À quand des programmes de formation continue en entreprise et au sein des ordres professionnels qui susciteront l’engagement des apprenants grâce à la flexibilité, l’attractivité et la pertinence de leurs contenus?

À quand des parcours de formation en entreprise accessibles dans la langue de prédilection de l’apprenant et disponibles au moment propice?

À quand des programmes de formation qui n’imposent plus de déplacer à l’extérieur de l’entreprise un grand nombre d’employés et de gestionnaires? Et qui permettent d’éviter les sempiternelles batailles pour les salles disponibles au sein de la boîte?

À quand un enseignement immersif au sein de notre système éducatif, auquel on accorde une juste valeur en crédits?

À quand le moment où professeurs et formateurs se serviront des données prédictives issues des plateformes technologiques, histoire d’adapter leurs cours en conséquence?

Bref, à quand la réalité virtuelle comme moyen d’apprentissage?

La technologie est déjà là, y compris en français. Il nous reste à apprivoiser collectivement ces nouveaux outils, et à ainsi sauver temps et argent, tout en augmentant notre capital de compétences individuel et collectif.

Oui, le futur de l’apprentissage, c’est maintenant!

Quand la formation professionnelle s’inspire d’Angry Birds

Par François Perreault

Cet article a été publié originalement le 4 mars 2019
dans le Journal de Montréal

Qui aurait cru que le jeu vidéo Angry Birds servirait d’inspiration à des formations professionnelles ? Il est pourtant à la source d’illuxi, une entreprise qui forme employés et cadres sur des situations courantes en milieu professionnel.

Alors chez Hydro-Québec, Geneviève Desautels cherchait une façon de réinventer les formations destinées au personnel et aux patrons pour se démarquer des présentations PowerPoint et des autres webinaires.

C’est après avoir noté comment plusieurs adultes autour d’elle s’amusaient avec Angry Birds qu’elle a décidé de combiner le jeu à la formation. Ainsi est née l’entreprise illuxi, qu’elle préside aujourd’hui.

De vrais enjeux

Avec sa méthode, l’utilisateur regarde des vidéos de 15 à 45 minutes présentant des simulations sur divers thèmes (habiletés de gestion, cannabis au travail, gestion de crise, harcèlement, parité, diversité).

Marc-André Lanciault
Chef de la technologie

Au fil du scénario, on lui pose des questions sur des situations potentielles. La trame narrative évolue ensuite en fonction du choix.

Par exemple, un cadre qui informe son personnel de compressions à venir gagnera des points sur le plan de la transparence, mais verra en contrepartie la motivation de ses employés baisser. Le scénario prendra une tournure différente s’il choisit de ne pas révéler la situation.

« Comme dans la réalité, nous présentons les relations de cause à effet d’une prise de décision, indique Marc-André Lanciault, associé et chef de la technologie d’illuxi. De fait, nous nous intéressons aux zones grises. Par exemple, si un employé se présente au travail en sentant le cannabis, un patron doit pouvoir réagir au-delà des règles et des lois, en s’adaptant à la situation. »

Des choix plus audacieux

Pour M. Lanciault, le mariage du jeu et des situations propres au monde du travail est plus naturel qu’on le pense.« Des recherches en neuroscience ont démontré que l’humain apprend quatre fois mieux en situation de jeu que par des méthodes traditionnelles, indique-t-il. Parce qu’il s’agit d’une simulation, les gens se montrent plus audacieux qu’ils le seraient en réalité, car il n’y a pas de véritable enjeu. Ils découvrent donc l’impact de leurs choix sans conséquence néfaste. »